samedi 16 décembre 2006

Le prix du handicap

Tribunal pénal de Bobigny, TASS
_ « On s’en fiche de votre fils handicapé Monsieur Monge, ça n’a rien à voir ! »
La réplique est cinglante. Pas assez néanmoins pour réveiller une salle d’audience qui ressemble d’avantage à une salle d’attente. Sur les bancs s’entassent les convoqués du jour. Ils n’ont cure du sort du chétif M. Monge, seul à la barre du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny en ce début d’après-midi. M. Monge réclame des allocations à la Caisse d’Assurance Familiale (CAF) en vertu de son handicap. Il cite les textes pour assurer sa défense. Face à lui, la représentante de ladite CAF. Elle réfute point par point les arguments avancés par M. Monge avec des propos d’une rare crudité. M. Monge lui rend dix centimètres. Il balbutie, sa voix est mal assurée.
_ « L’article 48.73 me donne le droit à… »
_ « Mais vous ne comprenez pas les textes Monsieur Monge ! Les experts vous ont reconnus handicapé à 12%, qu’est-ce que c’est 12% ? »
L’envoyée de la CAF est une brune élancée, les cheveux crêpés. Ses grands yeux sont cerclés de noir. Sa robe est longue et noire. Elle porte des hauts talons. Elle parle fort, son ton dénote l’exaspération. Elle ne tient pas en place, s’agite sans cesse, au contraire de M. Monge, immobile, mal à l’aise. Il est comme pétrifié et courbe l’échine sous les assauts répétés de son interlocutrice.
_ « Mais mon fils… »
M. Monge a un fils lourdement handicapé. Il est en Belgique pour suivre des traitements. M. Monge invoque le regroupement familial. Le juge, la trentaine tout au plus, semble ailleurs, effacé. Il se redresse dans son fauteuil lorsqu’on l’interpelle :
_ « Monsieur le Juge, cela fait trois fois que je me déplace pour des prunes, c’est pourquoi je requiers 1500€ d’amende à l’encontre de Monsieur Monge ! »
_ « Monsieur Monge, un commentaire ? »
Le juge n’est pas du tout à ce qu’il fait et distribue la parole d’une voix fluette. A sa gauche, le greffier pique du nez.
Rien de neuf à Bobigny. La lumière est blafarde. La salle d’audience sent le renfermé. A la fenêtre, le ciel est une tache grise. Le procès est finalement ajourné. En février, un expert de la Commission Technique d'Orientation et de Reclassement Professionnel (COTOREP) sera appelé à la barre. La représentante de la CAF gigote de plus belle à l’annonce de l’ajournement. M. Monge part tête basse. Son bas de survêtement semble trop grand pour lui.

© Brice 2007

2 commentaires:

Unknown a dit…

Il faut avoir "visité" le Tribunal de Bobigny pour comprendre à quel point c'est un endroit qui donne le cafard. On n'imagine pas à quel point cela renferme toute la misère du monde ...
Le ton de l'article, à l'humour semi-amer, rend bien cette désespérance. On dirait du Thierry Jonquet (écrivain de la Série Noire).
Une graine de journalisme sur la bonne voie, seule la "tâche grise" du ciel fait tache. Petite étourderie volontiers pardonnée ! ;-)

Anonyme a dit…

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