samedi 16 décembre 2006

Gabriel Masurel, la trance tranquille


Gabriel Masurel, alias Blue Planet Corporation, est à l’opposé du DJ paillettes. 15 ans d’une carrière internationale ne lui ont pas fait tourner la tête. Costume sombre, pinte à la main, il me livre un regard à la fois lucide et passionné sur la musique, la sienne et celle des autres.


Le métier de Disc Jockey est plutôt méconnu du grand public. De même l’univers de la trance est cloisonné, réservé aux initiés. Comment es-tu tombé dedans ?

Ado, la musique m’a procuré des sensations particulières. De fil en aiguille, j’ai commencé à jouer d’un instrument, à savoir de la batterie. Je me souviens du clip de With or without you de U2, toute la tension qui se dégage de ce clip, qui monte progressivement grâce à la batterie justement. Ca m’avait beaucoup touché.

Et la musique électro dans tout ça ?

J’écoutais aussi de la musique électronique. Un phénomène nouveau est arrivé en France à la fin des années 80 : la House et la Techno. J’ai délaissé la batterie pour me concentrer là-dessus, j’ai acheté mon premier synthétiseur et j’ai commencé à produire de la musique en enregistrant des cassettes audio sans objectif précis. Me rendre compte que je pouvais reproduire le même univers avec mes propres moyens, c’était fou ! Ma première signature est arrivée un peu par hasard, par le biais de contacts.

Cette première signature, c’est en 1993, tu as sorti ton premier maxi vinyle de Goa. C’est quoi le Goa ?

En 1993, ça explose, et j’ai la chance de faire partie des précurseurs en France. La Trance de Goa, c’est une musique électronique psychédélique. Elle est apparue dans les années 70 à Goa, en Inde. Des Hippies s’y sont installés et le mouvement est né de cet assemblage de hippies, de musique et de drogues. Au milieu des années 80 est venue s’additionner une influence électronique arrivée d’Europe, alors qu’avant, c’était plutôt du reggae, du rock psychédélique, les Pink Floyd, des choses comme ça. Le tout qui rencontre la culture indienne, ça a donné ce qu’on a appelé la Trance de Goa. C’était joué la nuit sur les plages. Moi en fait, je jouais la musique que j’aimais, sans savoir ce qu’il se passait à Goa, et il s’est avéré que c’était un peu les mêmes sons.

Donc ce sont les étiquettes qui viennent à toi, et non toi qui va vers les étiquettes.

Tout dépend de la démarche, moi je voulais produire du son pour moi. Je ne cible pas le marché, je fais ça naturellement. Je n’essaye pas de faire tel style de musique, ou de copier je ne sais quel artiste.

Aujourd’hui, ton style est qualifié de « morning aérien », est-ce tu te reconnais là-dedans ?

C’est vrai que j’ai tendance à apporter une touche mélodique, même si c’est le principe de départ de la Trance de Goa, c’est une musique basée sur des montées, des descentes. Je joue sur des atmosphères avec des bases mélodiques, un son pas forcément très violent mais qui fait voyager. On appelle ça « son morning » en référence au déroulement d’une soirée trance, avec le lever du Soleil sur la plage, c’est le moment où on lâche la pression entretenue par le Disc Jockey pendant la nuit. Quand le jour arrive, on fait un son plus frais, plus joyeux, moi je fais plutôt ça. C’est comme une renaissance. C’est le cycle du jour et de la nuit : la tombée de la nuit, la nuit noire, et le lever du soleil.

Tu t’es toujours concentré sur du son morning ou bien ton style a évolué ?

Mon style a évolué, obligatoirement. Mon premier maxi est sorti en 1993, ça a été tout de suite reconnu, ça a circulé à Goa, ça a fait un carton, donc j’ai fait d’autres maxis. Puis un label anglais m’a sollicité pour sortir un album.

Mais cet album n’est sorti qu’en 1999[1]

J’ai mis trois ans pour le faire. J’ai voulu mettre beaucoup de choses dans ce disque, et j’ai voulu faire un disque qui dure longtemps, pas simplement surfer sur la vague.

C’est le cas, non ?

C’est le cas, oui, j’en suis assez fier. Des gens le prennent encore pour une référence. Ce premier album m’a donné la chance d’exprimer tout ce que j’avais emmagasiné depuis tout jeune. C’était une super opportunité. Je voulais que chaque morceau soit parfait. Ce qui a changé maintenant, c’est que je me mets beaucoup moins de pression. Je me suis rendu compte que, parfois, produire pour produire peut-être bénéfique, on peut aussi apprendre comme ça. La musique a continué à évoluer ensuite, et moi je me suis retrouvé à représenter une musique un peu dépassée. Je ne me reconnaissais pas dans le sens où le son a continué d’évoluer, et ça m’a un peu desséché en terme d’inspiration. J’ai moins produit à ce moment là, mais j’ai écouté beaucoup plus de musique qu’auparavant. Là je reviens avec toute cette musique emmagasinée pour essayer de la recracher.

D’ailleurs, qu’est-ce qui te plaît au fond : c’est plutôt produire ton son, faire ressortir ce que tu as en toi, ou c’est aussi la relation au public, les concerts ?

C’est tout le problème de cette musique électronique. En soirée, les gens jouent en live, mais ce n’est pas du vrai live, c’est de la musique enregistrée sur ordinateur. Ca n’a aucun intérêt pour moi. Ce qui est intéressant, c’est d’être DJ, parce qu’on peut créer un climat, une ambiance, tout au long d’une soirée. En tant que DJ, on a tous les disques sous la main, tout est ouvert, et c’est super intéressant, on peut avoir une véritable relation avec le public. C’est aussi pour ça que je me suis remis à la batterie aujourd’hui, et que je joue avec un groupe.
[1] Blue Planet, Flying Rhino Records

© Brice 2007

1 commentaire:

Foobz a dit…

Merci pour ce regard sur BPC, et sur Gabriel Masurel! Ca fait plaisir de voir que le star system ne pollue pas tout le monde!