lundi 22 janvier 2007

A la vie à la mort

© Brice 2007


Dimanche 21 janvier. Il est 14h30 et quelques milliers de manifestants sont regroupés Place de la République à Paris, à l’appel du collectif « 30 ans ça suffit » qui réunit différents mouvements anti-avortement. Ils s’apprêtent à défiler pour protester contre « ce fléau international qui a tué 7 millions d’enfants depuis 32 ans, soit 250000 enfants par jour…» Ce sont les chiffres édifiants que crache un haut-parleur perché sur un camion. Le calcul est erroné – en effet, au rythme de 250000 avortements quotidiens, on atteindrait les 7 millions en 28 jours –, mais l’impact n’en est que plus fort sur la foule. Au milieu de cette foule, une femme. Elle a la quarantaine et respire la joie de vivre. Virginie Raoult-Mercier, ancienne avocate au barreau de Versailles répond aux questions des sympathisants et des médias. Elle est postée au point presse. Cheveux bruns et courts, visage reposé, col roulé prune, petite, mais costaude. Elle est porte-parole du mouvement « Choisir la Vie », une association qui réclame un véritable engagement politique en faveur de l’abrogation de la loi Veil légalisant l’avortement. Son message est simple : « Nous sommes 32 ans après la loi Veil. Aujourd’hui on dit : c’est trop. Nous sollicitons l’arrêt de ce massacre, et spécifiquement en cette année électorale. » Effectivement, à trois mois de l’élection présidentielle, les militants anti-avortement veulent donner de la voix et peser sur le débat. « Nous annoncerons le nom du candidat que nous soutenons en avril. D’ici là, nous attendons un geste des présidentiables », explique-t-elle. En cet après-midi ensoleillé, Virginie Raoult-Mercier s’enorgueillit de la présence de plusieurs élus. Le bruit court selon lequel le président du Mouvement Pour la France, Philippe de Villiers, aurait fait une courte apparition. Des maires et conseillers régionaux Front National sont également aux premiers rangs du cortège. Pourtant, Jean-Marie Le Pen vient de retirer son projet d’abrogation de la loi Veil de son programme de campagne, préférant opter pour un référendum en cas de victoire de son parti à l’élection. Pas de quoi inquiéter Virginie Raoult-Mercier pour autant : « Il faut des politiciens qui osent dénoncer la mort de tous ces enfants et qui osent défendre le droit à la vie dès ses premiers instants. C’est regrettable de la part de Jean-Marie Le Pen, on verra ce qu’il propose comme aide aux futures mères. » En bonne manieuse d’une pédagogie par la répétition, elle ajoute : « Nous, nous demandons d’abord l’abrogation, ou du moins que le débat soit ouvert sur cette question capitale. »
Son combat, elle le mène depuis l'enfance. « Et pour cause, elle a de qui tenir » glisse Claude, un proche. Et d’ajouter en s’excusant auprès de son amie, comme s’il en disait trop : « son père, Michel Raoult, fut l’un des premiers défenseurs du droit à la vie ainsi que le premier président du collectif « Choisir la Vie ». » Ce que Claude ne dit pas, c’est qu’il est mort assassiné en mars 2002 à la mairie de Nanterre où il était conseiller municipal. Depuis, Virginie Raoult-Mercier a repris le flambeau. Elle quitte le barreau en 2003. Une affaire de famille en quelque sorte. Elle est fière de défendre aujourd’hui les valeurs pour lesquelles son père a donné sa vie.
« Aujourd’hui, pour cette « Marche pour la vie », nous avons réuni diverses associations qui luttent comme nous. L’union fait la force. » Ainsi, les Jeunesses Catholiques font partie du cortège, tout comme S.O.S Tout-Petits mais aussi Civitas. C’est la première année que les associations catholiques prennent part au défilé, « une bonne chose » selon Virginie. Elle affiche une mine réjouie. « Nous lançons aujourd’hui un appel pressant à tous les présidentiables par le nombre que nous sommes. Nous attendons des candidats courageux qui s’engagent en faveur de la protection de la femme enceinte, de la valorisation des aides familiales et de l’aide aux futures mères. »
Une femme de poigne au sourire facile. Elle défend une cause sensible, jugée réactionnaire et passéiste à une époque où les femmes revendiquent le choix d’être mère. Des qualificatifs qui ne la touchent pas. Au-delà de ce défi collectif, sans doute un défi personnel, en hommage au père décédé. Défendre la vie pour parvenir à faire son deuil.
© Brice 2007

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