mercredi 21 février 2007

Des singes et des hommes

18 février, le carnaval en plein Paris. Les Macaqs assurent le spectacle, une association festive et engagée en faveur du quartier, qui l’espace d’un après-midi insuffle un vent de folie au grand est parisien. Une descente entraînante chez les bonobos bobos.


Une fanfare, des chars bariolés, une ambiance festive bienvenue en ce dimanche ensoleillé. La scène rappelle que le carnaval de Rio vient à peine de débuter, pourtant elle se déroule Place Gambetta, face à la Mairie du 20ème arrondissement de Paris. Pourquoi un tel feu d’artifices de couleurs, pourquoi une foule aussi nombreuse ? Un peu partout des fanions pourpres s’agitent au vent. Dessus miroitent cinq lettres, Macao. Tiens donc, une manifestation en l’honneur du flambant neuf Las Vegas d’Asie du Sud-est, en l’honneur de cet eldorado du blanchiment d’argent. Pour le moins étrange. Autant pour moi, le logo est difficilement déchiffrable, mais il y est bien écrit Macaq… Macaq le singe, mais surtout Macaq pour Mouvement d’Animation Culturelle et Artistique du Quartier.
Bizarrement, ces gens ne revendiquent rien. A la bonne heure, enfin une troupe festive et apolitique, loin de tous les ternes débats présidentiels qui font descendre toute sorte d’illuminés dans les rues de la Capitale.
La cinquantaine de percussionnistes de l’association assure le spectacle. Autour d’eux, des personnages déguisés, non en macaque, mais plutôt en arc-en-ciel. Et partout, des t-shirts estampillés Macaq. Casquette vissée sur le crâne, Julien jubile, il ne s’attendait pas à un tel succès : « Aujourd’hui, c’est magique, tout est réuni, le soleil, la bonne humeur, des macaques et des habitants du quartier, on ne pouvait rêver meilleure audience. » Julien dirige l’association d’une main de fer dans un gant de velours depuis maintenant trois ans. Pourtant, tout ne va pas pour le mieux. Une trentaine d’artistes Macaq vivent au 17ème Parallèle, un squat du XVIIème arrondissement. Ils sont sous le coup d’une expulsion au 1er mars. « Nous cherchons à déménager, mais peu importe, cet après-midi, on oublie tout ça, on est là pour faire la fête. » Tamtams et tambours repartent de plus belle, comme pour signifier que le sujet est tabou.
Une troupe de troubadours vivant à l’heur du carpe diem. Mais pas seulement. Les Macaqs sont également animés d’un véritable esprit humaniste. Outre le carnaval, ce sont vide-greniers, dîners et fêtes de quartier, solidarité, soutien scolaire, évènements culturels, sportifs et artistiques qui sont inscrits à l’agenda du mouvement. « Nous voulons devenir un relais puissant et pertinent de la vie associative et culturelle du quartier » ajoute Julien. En un mot, divertir pour mieux éduquer, souder et redonner vie aux « villages dans les villes ».
Stéphanie a profité du beau temps pour s’attabler à la terrasse du Café Fontaine. « Je ne m’attendais pas à un tel défilé, plaisante-t-elle. C’est très sympa, c’est coloré. » A ses côtés, Didier, en bras de chemise, fait écho à sa compagne : « ça fait plaisir, une vraie bouffée de printemps, on en oublierait presque que demain le réveil est fixé à 6h30. »
L’association est à but non lucratif, généreux donneurs ne pas s’abstenir. « On nous paye surtout en monnaie de singe » déclare Julien avec un ton faussement solennel, avant d’éclater de rire. « L’essentiel des Macaqs travaille dans la culture, moi-même je suis dans la variété française. L’association, c’est un devoir citoyen. »
Après une demi-heure passée Place Gambetta, le défilé se met en branle. Objectif : sillonner les XIXème et XXème arrondissements parisiens. En tête de cortège, on trouve une vache, pour le plus grand bonheur des bambins venus nombreux. « C’est Antoinette, notre mascotte, on croirait un bovin mais ne vous y fiez pas, c’est un macaque, comme nous tous. Sous couvert d’apparences trompeuses, nous sommes tous des primates » affirme Judith avec aplomb. Un large sourire trahit la supercherie.
La remuante et ronflante balade durera une heure et demie. Sur le chemin, des regards étonnés, amusés ; les riverains sont à leurs fenêtres, les voitures s’arrêtent, les oiseaux suspendent leur vol. Dans la jungle anonyme et imperturbable de la ville, les Macaqs ont décidé de résister.

© Brice 2007

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