jeudi 28 février 2008

Journalisme et Ethique

« Je croirai vraiment à la liberté de la presse
quand un journaliste pourra écrire
ce qu'il pense vraiment de son journal.
Dans son journal. »
[Guy Bedos]

Lecture d'un essai de Pierre Bourdieu, Journalisme et Ethique

Pierre Bourdieu part d’un constat simple : le journalisme de son temps se repaît dans une autosatisfaction dégoulinante, tant et si bien qu’il semble perdre de vue un modèle de vertu qui devrait pourtant le guider. Pour retrouver cette morale égarée, il devrait, selon le sociologue, se doter des moyens qui lui permettraient de se remettre en question objectivement. Comment : en se livrant à une critique - autocritique de tous les instants, mais aussi en tentant de se libérer des contraintes exogènes qui fondent le manque d’autonomie de cette corporation, inféodée qu’elle est aux patrons de presse et par ce biais au pouvoir – sans parler de la tyrannie de l’audimat et de la course épuisante après les recettes publicitaires.
La thèse de Pierre Bourdieu, bien que datée (1996), n’en perd pas moins de son actualité. Elle se trouve même renforcée par l’irruption du phénomène Internet. De fait, le journalisme de 2008 ne semble pas bien mieux loti que son confrère du siècle précédent. Oui, le journalisme se cherche une morale, oui, d’aucuns disent que la « gutter press » d’Outre-Manche contamine insidieusement nos parutions. Oui, les grands titres sont livrés aux mains d’industriels proches du pouvoir politique.
Et les journalistes ? Sont-ils des pantins désarticulés tombés dans les fourches caudines de la recherche de profit ? Ont-ils vendu leurs nobles âmes à l’icône païenne du Business Model ?
Ces questions pointent du doigt un paradoxe actuel : un déficit de croyance croissant dans les médias, allié à une lobotomisation consentie de l’audimat par ces mêmes médias – ou quand le démon communication envahit le monde de l’information. Qui n’a jamais entendu « oh oui, mais moi les médias, ils nous manipulent » suivi de « par contre, tu as vu, ils ont retrouvé Ben Laden dans une grotte high-tech » ? Au final, le public croit ce qu’il veut croire. On revient au point de départ : servir au peuple ce qu’il veut entendre.

Dès lors, les propositions de Pierre Bourdieu pour redonner une morale aux médias relèvent à mon avis de la gageure.
- Encourager la critique – autocritique
Deux idées testées et éprouvées : de qui viendrait la critique ? Il serait logique que ce soit les lecteurs qui s’insurgent ou félicitent → courrier des lecteurs, médiateur s’avèrent davantage des vitrines médiatiques montrant que le journalisme est à l’écoute.
En Grande-Bretagne existe la Press Complaints Commission, un peu l’équivalent de notre CSA, mais en plus populaire : la PCC reçoit les plaintes des lecteurs – auditeurs – spectateurs et tente le cas échéant d’appliquer des sanctions. La PCC reste « a toothless watchdog », un « chien de garde aux crocs élimés » ; le pourcentage de sanction est minime par rapport aux « infractions » enregistrées.
Quant à l’autocritique, le modèle pourrait paraître plus vertueux. La question est de se demander qui y a intérêt. Il y a bien eu un timide engouement pour le « décryptage » (Arrêt sur Image, et dans une moindre mesure, Plus Clair) mais le soufflé est vite retombé. Raisons politiques ?
- Se libérer des contraintes exogènes
Il s’agit là d’un vœu pieu, que seul aujourd’hui Internet permet de réaliser, avec ses limites. Le nouveau média ouvre en effet la porte à toutes les initiatives. L’avenir nous dira par exemple si un site comme Mediapart sera viable économiquement. Qui pour réguler la toile ?

Une proposition maison pour parvenir à un système vertueux : se défaire de la dictature du format.
Le journalisme tel qu’on le connaît est l’otage d’une prison espace-temps qui le condamne à adapter son discours. La télévision en est l’emblème, et est pour moi – n’en déplaise à Monsieur Galzi – le média le plus désinformant. Comment traiter d’un sujet aussi complexe que la crise au Darfour en 1 minute 30, et se permettre de caler en fin de journal un reportage de deux minutes sur des artisans languedociens qui fabriquent des confitures de coing de manière ancestrale ? La critique est valable également pour la presse écrite : comment adapter son discours de manière à ce qu’il tienne en un nombre déterminé de signes → deux écueils : diluer le propos pour remplir la case définie, ou le restreindre. Rien de bien naturel dans cette démarche.
Le média Internet brise ces lois surannées. L’espace est infini. De même, le temps se disloque → l’actualité est visionnable à l’envi, podcastable. Tel est l’avenir du journalisme, qui passe par un changement dans le mode de consommation de l’info. Si cette révolution, nécessaire à mes yeux, est menée à bien, alors le journalisme se sera déjà libéré d’une contrainte exogène.
Se pose la problématique de la réception : l’internaute aura le choix dans sa consommation d’information : dépêches d’agence, où l’info tend vers une certaine objectivité (modèle vertueux), et articles de fond, documentés. Reportages complets, resituant les contextes, et dans lesquels l’image est accompagnée d’un discours qui l’explicite, et ne la livre pas dans sa crudité en proie à toutes les analyses d’un spectateur choqué et incapable de rationaliser ce qu’il voit.
Reste à financer cette révolution…


© Brice 2008
Essai réalisé dans le cadre de mes études à Sciences-Po

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Thіs pieсе οf wrіtіng ωіll assist thе intеrnеt pеople for buіlding uρ
new web site or еven а blog frоm start
tο еnd.

Hеre is mу ωeb blog; meuble de salle de bain

Anonyme a dit…

Way cool! Some very valid points! I appreciate you penning
this post plus the rest of the website is very good.


Look at my web site ... voyance gratuite

Anonyme a dit…

Way cool! Some very valid points! I appreciate you writing this post plus the rest of
the website is also very good.

Here is my web-site ... voyance en direct