jeudi 15 mars 2007

L'Afrique à fleur de mot

Il est des journalistes qui se sont forgés à la force de leur poignet. Pierre Lepidi en fait partie. Diplômé de l’Institut des Médias de Paris en 1996, il mène depuis une carrière tamtam battant, partagée entre l’Afrique noire et Le Monde, entre production d’ouvrages et écriture d’articles. Toujours avec la même envie. Portrait d’un passionné.




La silhouette est longiligne, le regard pénétrant. Mais ce qui frappe au premier abord chez Pierre Lepidi, c’est son teint hâlé. Rien de surprenant à cela, cet amoureux de l’Afrique noire rentre tout juste du Liberia. Les Nations Unies donnaient le coup d’envoi du programme « Sports pour la paix » dans la capitale Monrovia. Un voyage taillé sur mesure. La direction du Monde ne s’y était pas trompée : « c’est pour Pierre, c’est son carré. »
Douze ans que Pierre Lepidi officie pour le service Sport. Douze années pendant lesquelles le journaliste indépendant et jogger de haut niveau s’est petit à petit imposé comme pigiste régulier. Lui-même s’en amuse : « j’ai commencé comme stagiaire en 1995, puis on m’a gardé parce que j’avais proposé de venir recueillir les résultats sportifs le dimanche soir, ça barbait tout le monde de travailler le dimanche. » Ce n’est que deux ou trois ans après qu’il publie enfin un article. Premier tournant en 1998 : pendant la Coupe du Monde de Football, Le Monde publie un supplément quotidien. Pierre travaille alors en partenariat avec le service infographie pour dessiner buts et actions. Il reprend ensuite la branche F1 laissée vacante, puis commence à s’occuper du rugby. Amorce d’une diversification. Un deuxième tournant en 2002. Cette fois-ci la Coupe du Monde se déroule en Asie. Au dernier moment, Pierre est informé qu’il ne partira pas. Déception. Mais Pierre ne déplie pas bagages. Jamais à court d’argument, il offre de s’envoler pour Dakar assister à la ferveur populaire entourant le match Sénégal – France, en ouverture du Mondial. Accordé.
C’est là que l’Afrique entre dans la vie du journaliste. Il part à sa propre recherche et se découvre une nouvelle identité : « Je suis parti sans rien, un peu par hasard, je voulais vivre ça, avoue-t-il, rêveur. Et le Sénégal a gagné, ça a vraiment été un trop plein d’émotions pour moi. » L’Afrique ne le quittera plus. Il découvre la Mauritanie en taxi-brousse et accouche de son premier livre, Carnet d’Afrique. Les droits d’auteur perçus pour cette publication sont directement reversés à un orphelinat de Nouakchott et à des clubs de football, via une association qu’il a créée, Frères de Foot.
L’histoire se répète en 2006, pour la Coupe du Monde en Allemagne. Pierre est à nouveau informé au dernier moment qu’il ne partira pas. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il suggère d’aller au Togo pour le match contre la France. Devant le refus de sa rédaction, il insiste en proposant de faire un crochet par la Côte d’Ivoire pour étudier l’impact de la qualification du pays sur le processus de paix. Banco. « Du Lepidi tout craché, s’enthousiasme Pierre Jaxel-Truer, son collègue au service Sport. Lorsqu’il a une idée, il ne la lâche plus. »
L’affaire de cœur avec l’Afrique ne s’arrête pas là : Coupe d’Afrique des Nations en Tunisie en 2004 – avec la victoire des locaux à la clé –, une petite dizaine de voyages en Mauritanie, « ma deuxième famille », et un second livre, Nouakchott – Nouadhibou, la Mauritanie trace sa route. Cette fois, il s’agit d’un livre-documentaire réalisé avec l’aide du photographe Philippe Freund. Trois semaines passées sur le terrain pour analyser les débouchés sociaux de la construction d’une route reliant les deux plus grandes villes du pays.
Entre-temps, Pierre Lepidi, « touche à tout » comme il le reconnaît lui-même volontiers, a publié un roman, Dilemme, alliant deux de ses passions, la Corse dont il est originaire, et le journalisme.
Au travers de cet éventail hétéroclite d’expériences, une constante, l’écriture. C’est le sourire accroché au visage que Pierre Lepidi confie : « Ecrire est un vrai plaisir. Ecrire même quand les conditions ne sont pas réunies, même quand il n’y a rien à dire, c’est un petit défi. » Du Maurice Blanchot dans le texte, à ceci près que dans le cas du journalisme, l’urgence d’écrire est également imposée de l’extérieur.
Pierre Lepidi ne se soucie guère des contraintes de genres. Il est d’ailleurs en train de plancher sur un épisode de l’Histoire de Corse. « Je garde toujours le même style d’écriture. Même pour le roman, le lecteur peut deviner que c’est un journaliste qui écrit. L’âme du journaliste transparaît. » Lors d’une rencontre avec Alpha Blondy, il a même proposé de lui écrire une chanson. L’artiste a refusé. Qu’à cela ne tienne, pas question de baisser les bras. « Jusqu’ici, j’ai pu combiner passion et travail, c’est l’idéal. J’ai mangé mon pain noir, mais je suis prêt à le remanger à tout moment. » Pour mieux rebondir. Et de conclure avec passion : « j’exerce l’un des plus beaux métiers du monde, mais aussi l’un des plus durs. Le journalisme m’a fait vivre des moments magiques. »
© Brice 2007

2 commentaires:

Pauline a dit…

joli portrait qui prouve qu'on peut aimer le sport et ne pas être un imbécile... bravo!

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.